Des allers vers

Installation vidéo triple projections, 2023
Durée : 3h

Extrait adapté du texte d’Amanda Tavares et de Sophie Watt publié en juillet 2024 dans le Journal of Refugee Studies, sous le titre "Ongoing oppressions and resistances : a review of Des allers vers, a video installation by Elisa Larvego"
Traduit de l’anglais par Sophie Watt et Amanda Tavares

Des allers vers explore les politiques françaises de contrôles migratoires, exposant non seulement leur violence mais aussi les nombreuses formes de résistance et de solidarité qu’elles engendrent. Grâce à son approche ethnographique basée sur du bénévolat, de la documentation visuelle et des entretiens, Elisa Larvego établit des relations avec des membres du réseau caritatif et des personnes exilées pour étudier la manière dont les processus de déshumanisation des exilé·e·s ont été normalisés au fil du temps et pour souligner les modes de solidarité établis entre les personnes qui travaillent et celles qui vivent dans ces contextes. L’artiste considère également les effets de la migration sur la topographie de ces endroits, en attirant l’attention sur les mécanismes hostiles développés à certains points d’entrée (Briançon) et de sortie (Calais).
 
L’installation rend visibles et audibles ces stratégies, souvent dissimulées, visant à établir des topographies carcérales à ciel ouvert. Les éléments visuels, projetés sur trois écrans cubiques, enveloppent le spectateur dans un univers déshumanisant qui fait écho à la brutalité des paysages et des situations traversées par les exilé·e·s.

En tant que spectateur·rice, nous voyons une variété d’environnements déformés par les impacts de l’ordre sécuritaire néolibéral, à la fois urbains et non urbains, et toujours vides. Cette absence de figures humaines tout au long du film souligne les effets aliénants des politiques migratoires sur les exilé·e·s. Des allers vers illustre la façon dont l’État français instrumentalise le paysage de manière militarisée et pousse constamment les exilé·e·s dans une position d’impuissance spatiale.
 
Grâce à son caractère immersif et à sa longue durée, l’installation vidéo convie les visiteurs·ses à faire une pause active pour remettre en question leurs propres pratiques d’écoute et de vision, et ainsi interroger la soi-disant neutralité des médias et des pratiques gouvernementales. Plus qu’un outil d’observation ethnographique, Des allers vers devient un cadre narratif qui non seulement produit un contre-discours critique, dénonçant dans ce cas la violence de l’État et les dangers de la déshumanisation des personnes déplacées, mais ouvre également un espace pour l’émergence de nouvelles formes d’action.